Philippine Dolbeau, vice-présidente de Klassroom

Pour Philippine Dolbeau, vice-présidente de Klassroom, avec la crise sanitaire, les solutions numériques développées par les start-up de l'EdTech apparaissent comme des outils de première nécessité.

Lucas Verbeke

C'est une icône de l'entrepreneuriat des jeunes. Philippine Dolbeau a créé son entreprise à 16 ans, alors qu'elle était encore au lycée. Son idée : une application, baptisée New School, pour faire l'appel en classe en dix secondes. Pas facile toutefois de gérer et financer un tel projet tout en poursuivant sa scolarité. L'été dernier, New School a été absorbé par Klassroom, une application pour faciliter les échanges entre parents et professeurs des écoles, en maternelle et primaire, qui compte 400 000 utilisateurs. La start-up fait partie des EdTech françaises qui cherchent à convaincre le gouvernement de leur utilité. Avec la crise du coronavirus, Philippine Dolbeau, désormais vice-présidente de Klassroom, estime que les autorités n'ont plus le choix. Explications.

Publicité

L'Express valorise la contribution des femmes à l'économie : recevez chaque semaine nos articles à la Une et la revue de presse de Valérie Lion en vous inscrivant à la newsletter.

"Le Président de la République a annoncé la fermeture de toutes les écoles de France dès lundi 16 mars et jusqu'à nouvel ordre. Face à cette situation de crise inédite, l'Education nationale doit s'assurer que la continuité des enseignements, quels que soient le contexte et l'évolution des conséquences sur les écoles, sera préservée.

Pour garantir la continuité d'accès aux ressources éducatives et aux cours, l'institution permet aux parents d'accéder à la plateforme pédagogique du CNED. Mais pour organiser la communication entre l'école et les familles dans le premier degré (de la petite section de maternelle jusqu'au CM2), ce sont des solutions de fortunes qui sont adoptées. Les enseignants se retrouvent souvent désemparés et se rabattent sur un outil relativement inadapté : le mail. Il n'est en effet pas toujours simple de récupérer les adresses mail des parents et surtout il est impossible de s'assurer qu'un parent a bien pris connaissance d'une information urgente transmise par mail. Même s'ils sont assez peu déployés dans le premier degré, il existe également des outils de gestion d'école. Mais dans l'urgence, il va falloir demander aux enseignants et aux parents de se former à des process qui ne leur sont pas familiers.

La France en pointe sur la protection des données personnelles

Plusieurs start-up ont pourtant développé des solutions que le ministère de l'Education Nationale a souvent observées de loin. Or sur le terrain, enseignants et parents les plébiscitent. Ainsi, avec les premières fermetures d'écoles dans l'Oise, les sollicitations ont explosé. A titre d'exemple, cette semaine Klassroom a enregistré la création de près de 2000 nouvelles classes virtuelles. L'enjeu du recours aux nouvelles technologies ? Partager les leçons, les devoirs, pourvoir échanger et préserver ce lien école-familles, même pendant la fermeture de l'établissement.

LIRE AUSSI >> Pearltrees, le plan B des enseignants confinés

De telles solutions numériques, jusque-là assez peu considérées par l'institution, apparaissent aujourd'hui comme des outils de première nécessité pour les 280 000 professeurs des écoles de France. Certes des questions fondamentales, et non des moindres, se posent avec ces nouveaux usages. D'abord, la protection des données personnelles : la France est le pays qui accorde le plus d'attention à ce sujet, dans toute la communauté éducative. Les exigences sont claires : maintien des données en France, engagement à conserver ces données pour le seul fonctionnement du service proposé, vigilance extrême sur le type de données récoltées. Mais l'Education Nationale n'accompagne pas les start-up de l'Edtech dans leurs efforts pour se mettre en conformité avec le RGPD, alors qu'elles auraient besoin de lignes directrices à la fois précises et globales, au lieu de devoir échanger avec chaque académie, chacune ayant ses propres demandes !

L'enjeu de la gratuité

Ensuite, se pose la question du coût pour l'Education nationale et de l'intervention du secteur privé dans une mission de service public, dont la règle fondamentale est la gratuité. Force est de constater qu'il existe déjà, dans l'enseignement public, de nombreuses entorses à cette fameuse règle (photos de classe, voyages de fin d'année, etc.). De manière plus structurelle, des applications de gestion de vie scolaire, comme ProNote, développée par une société privée, sont présentes depuis plus de vingt ans dans les collèges publics français. Sans que cela n'émeuve personne.

Néanmoins, et pour respecter le principe de la gratuité, on peut imaginer des modèles économiques qui permettent de proposer aux établissements publics une offre à la fois satisfaisante et gratuite. C'est d'ailleurs la responsabilité de tous les acteurs du numérique. Chez Klassroom, le service principal est gratuit pour les écoles et les familles mais pour assurer la viabilité de l'entreprise, nous avons développé des fonctionnalités supplémentaires et des produits annexes payants (livre de classe de l'année par exemple) à destination des parents.

LIRE AUSSI >>> L'école à la maison ? Les parents d'élèves perplexes

Il est encore temps de faire basculer l'Education Nationale dans l'ère numérique. Le mouvement est lancé depuis deux ans par les start-up de l'EdTech, et on le voit depuis le 12 mars au soir, elles sont en première ligne pour proposer leurs services, leur appui et faire profiter la communauté éducative de leur agilité. A la demande d'enseignants de l'Oise, Klassroom a ainsi travaillé dès le début du mois de mars sur une nouvelle fonctionnalité de visioconférence pour permettre aux enseignants de faire classe à distance; l'outil sera prêt dans quelques jours, il aura été développé en moins d'un mois.

Le numérique est une chance pour moderniser notre système d'éducation. Saisissons-la !

Publicité